Alors que de nouvelles restrictions sanitaires sont mises en place et que les embauches de cadres sont attendues en recul de 30% pour 2020, Quel premier bilan tirer du marché de l’emploi immobilier et quelles perspectives tracer pour les prochains mois ? Quelles sont les opportunités à saisir ?
Un marché de l’emploi immobilier logiquement secoué
Depuis mars dernier, tous les acteurs du secteur revoient leur stratégie de Recrutement et la gestion de leurs effectifs. Nous assistons à ce titre à un ralentissement ou une pause sensible des embauches et à des plans de réductions d’effectif en préparation chez certains acteurs (brokers, promoteurs). La priorité est donnée aux remplacements de postes indispensables au détriment des créations. Un cycle de 10 ans de forte croissance et de tension sur les rémunérations se referme.
Pendant cette période (2010/2020) le secteur aura connu un déséquilibre constant entre l’offre et la demande de compétences (particulièrement sur le segment du middle management de 5 à 20 ans d´expérience) avec pour corollaires de fortes tensions salariales et un turn over élevé, tant dans la promotion logement ou tertiaire (le développement foncier, la commercialisation, la direction de programme) que dans l’investissement tertiaire (chez les investisseurs et les conseils) ou dans la maîtrise d’ouvrage (les métiers de la technique et de l’AMO).
La crise touche aujourd’hui plusieurs compartiments clés du secteur. Les opérateurs du commerce et de l’hôtellerie la subissent de manière très sévère et elle commence à secouer le secteur des bureaux, les promoteurs et les investisseurs (dans l’incertitude des conséquences de l’essor du télétravail et des exigences de la distanciation sociale).
Seuls le résidentiel et la logistique semblent épargnés : le logement social, le résidentiel géré et le secteur de la santé, ainsi que tous les acteurs de la logistique continuent à bien s’en sortir.
Dans son ensemble, le secteur vit un atterrissage, avec des situations contrastées selon les acteurs et les classes d’actifs.
Des premières conséquences deviennent visibles. Le marché se complique pour les nouveaux entrants (les jeunes diplômés en attente de CDI et de CDD). Les profils confirmés, spécialistes, immédiatement opérationnels se voient octroyés une prime.
Le rapport de force est redevenu favorable aux employeurs, dans un climat de modération salariale (recul des bonus pour 2020/2021) et une baisse de la mobilité interne et externe (les candidats sont moins enclins au changement). Le management est sous tension, avec des équipes qu’il faut gérer de plus en plus à distance et des collaborateurs à l’engagement inégal. Enfin, les fonctions supports sont très sollicitées (la finance et les ressources humaines en première ligne).
Faut-il pour autant céder au pessimisme ambiant et conclure que le marché de l’emploi traverse une crise durable et qu’il ne faut plus envisager une mobilité professionnelle ?
Un marché en réalité assez actif.
Les opportunités existent et la période actuelle est favorable à la créativité et à la mobilité.
Le secteur est résilient par nature et ne sera pas destructeur d’emploi. En effet, les immeubles ne sont pas délocalisables et les emplois resteront locaux.
L’abondance de liquidités à investir, les incertitudes sur le financement des systèmes de retraite, le déficit structurel de logements, la nécessité de rénover les actifs et de les mettre aux nouvelles normes sont autant de puissants facteurs de soutien du secteur, sur le long terme. De surcroit, le Brexit joue en faveur de la place de Paris.
La crise accélère des évolutions déjà en cours dans chaque métier, et crée de nouvelles opportunités de mobilités internes et externes.
- Dans les métiers de l’investissement pour compte de tiers (essor des sociétés de gestion collective, développement des véhicules d’investissement multi-thématiques autour de la santé, de l’ISR, du résidentiel géré…) ;
- Dans les métiers de la gestion des actifs (avec de plus fortes synergies et une meilleure intégration entre le property et l’Asset management, la digitalisation des process, la mixité des usages…) ;
- Dans les métiers du conseil utilisateur et de l’intermédiation (digitalisation, financiarisation, Developement et résilience des acteurs très spécialisés…) ;
- Dans les métiers de l’AMO et de la maîtrise d’ouvrage pour la rénovation, la restructuration des actifs, pour les changements de destination des bâtiments, leur verdissement, etc.
- Dans le secteur du logement social, en forte transformation (regroupement des acteurs, renforcement des compétences…) ;
- Dans les métiers de la ville de demain et des nouvelles mobilités (émergences des nouveaux métiers).
Après un deuxième trimestre très ralenti, les mouvements des managers ont repris sensiblement en juillet, et les mois de septembre et octobre sont encourageants.
C’est le moment choisi par certains acteurs pour prendre des positions claires. Aller chercher des compétences et des profils à potentiel dans les secteurs du commerce et de l’hôtellerie, pour leur proposer de travailler dans le secteur du bureau. Promouvoir de nouveaux managers et la génération montante qui s’est distinguée pendant le confinement, comme le fait l’Institut Choiseul. Se renforcer dans les classes d’actifs du résidentiel ou de la logistique, en embauchant des profils issus d’autres classes d’actifs (bureaux notamment) ou revenant de Londres vers Paris. Favoriser enfin la mobilité fonctionnelles dans les organisations qui le permettent (passerelles entre les métiers des acquisitions, du fund management, de l’asset management ou du développement).
Les 12 prochains mois seront dynamiques sur le front des talents, et la génération Choiseul y tiendra à coup sûr les premiers rôles.
Par Emmanuel Cazier, co-gérant d’Hausmann Executive Search.