Nous vivons une époque déchirée par ses paradoxes : les technologies numériques sont incontournables pour résoudre les défis du siècle, bien qu’elles contribuent concomitamment à aggraver la dette environnementale. Que faire, face à l’urgence ? Attendre une auto-régulation par le marché non certaine d’advenir ? Réguler ?
Le secteur des technologies numériques représente aujourd’hui 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, plus que l’aviation civile. Cette part pourrait tripler d’ici 2050. Idem pour la consommation en eau des centres de données, qui intensifiera la pression sur les ressources. Si, pour l’instant, le sujet reste le plus souvent ignoré, l’adossement du numérique à des objectifs de durabilité n’est plus une option mais une nécessité.
Des réponses existent dans l’industrie du numérique. Très tôt, des acteurs français ont saisi l’enjeu stratégique de l’éco-conception, faisant de la France un pionnier en Europe avec le premier référentiel général d’éco-conception de services numériques (RGESN). Cette boîte-à-outils va au-delà de l’existant : elle incite à interroger le besoin réel et sa légitimité, tout en s’alignant sur d’autres référentiels (accessibilité, sécurité des échanges, interopérabilité, protection des données). La performance environnementale devient vectrice d’excellence professionnelle.
Cette même logique guide l’IA Act, qui questionne la soutenabilité des trajectoires technologiques avant de les engager. C’est salutaire et demande un certain courage pour poser la question du souhaitable, de l’utilité sociale et de l’impact environnemental.
La réglementation, alliée de la transformation durable des entreprises
Le récent rapport Draghi confirme que l’Europe n’innove pas assez et que sa productivité décline. La faute à la réglementation ? Le raccourci serait trop facile.
Pourtant, loin de freiner l’innovation, le cadre réglementaire offre de la prévisibilité et un avantage compétitif sérieux aux entreprises européennes. Le RGPD et la CSRD en sont des exemples : ils guident vers un avenir respectueux des individus et de la planète.
En haussant les standards de transparence, en appelant les entreprises à repenser leur stratégie de long terme au-delà des contraintes opérationnelles, la réglementation européenne renforce la durabilité des modèles économiques les plus pérennes.
Il s’agit désormais de faire de l’éco-conception numérique une norme partagée, sur la base du référentiel français existant. Elle est non seulement une nécessité, mais aussi une chance.