Souveraineté industrielle : la vision ne suffit pas, il faut savoir exécuter

Publié le 31 mars 2025
Industrie

Dans les années 1960, le Général de Gaulle a porté une vision d’indépendance stratégique et industrielle pour la France. Cette politique s’est concrétisée par le développement du programme nucléaire, des investissements dans l’aéronautique, le spatial et la defense. À l’époque, un principe s’imposait avec force : sans autonomie technologique, pas de puissance économique ni d’indépendance politique.

Aujourd’hui, l’histoire se répète sous d’autres formes. Nous sommes confrontés à de nouvelles dépendances — sur les matériaux critiques, l’énergie, les chaînes de production mondialisées. Et nous percevons, intuitivement, l’impérieuse nécessité d’agir. La question n’est plus de savoir s’il faut développer une industrie européenne souveraine. La question cruciale est désormais de déterminer comment la faire émerger dans un monde où tout pousse à l’inverse : la dictature de la vitesse, la tyrannie du court-terme, la fragmentation des écosystèmes, la sous-traitance généralisée.

Allier ambition stratégique et exécution immédiate

Il ne suffit plus de marteler qu’il faut une vision ou plus de moyens. Il faut également des résultats tangibles dès maintenant, visibles, mesurables, vérifiables, qui dessinent et consolident la trajectoire sur le long terme.

C’est précisément cette articulation entre ambition stratégique et exécution immédiate qui fait la différence. On ne peut pas bâtir l’industrie de demain sans démontrer aujourd’hui que le modèle tient, techniquement, économiquement et commercialement. Et à l’inverse, on ne peut se satisfaire d’optimisations à court terme en ignorant délibérément les failles structurelles de nos systèmes productifs.

C’est le défi quotidien auquel nous sommes confrontés chez Fairmat : développer une technologie de rupture, certes — mais la mettre sur le marché rapidement, honorer nos engagements envers nos clients, produire à grande échelle, tout en construisant une boucle circulaire complète. Il ne s’agit pas d’un projet « deeptech » à horizon lointain et incertain. C’est une réalité industrielle en marche, concrète et palpable. Ce que nous accomplissons génère de la valeur. Maintenant.

Car il ne suffit pas d’avoir raison trop tôt. Il faut le prouver rapidement, et l’exécuter sans relâche.

Repenser la souveraineté comme un objectif opérationnel

Innover en Europe aujourd’hui transcende la simple création technologique. C’est oser construire des systèmes complets : des nouveaux business models, des océans bleus de marché à conquérir, des filières de production autonomes résilientes. C’est concevoir la souveraineté comme un objectif opérationnel concret, et non comme une simple posture rhétorique.

On ne peut prétendre édifier une alternative industrielle crédible sans intégrer l’amont et l’aval, la conception et le recyclage, la logistique et l’intelligence des données. On ne peut viser une transformation profonde sans accepter d’embrasser la complexité, le temps long, et les réalités multiples du terrain.

Ce n’est pas un problème insurmontable. C’est précisément ce qui forge des modèles robustes, désirables, et ultimement reproductibles.

Nous avons un rôle déterminant à jouer dans cette nouvelle ère industrielle qui s’ouvre. Comme le Général de Gaulle l’avait compris avec clairvoyance, la véritable souveraineté ne se décrète pas : elle se construit méthodiquement. À condition d’accepter de transcender le simple narratif, pour s’ancrer dans la construction concrète. À condition de cesser d’opposer artificiellement vision et efficacité, impact et performance, complexité et rentabilité.

Nous disposons de nombreux atouts pour réussir. Ce qui fait encore défaut, parfois, c’est la capacité collective à faire bloc autour de ceux qui osent construire. Et à exiger des institutions qu’elles se remettent en cause, que l’appareil étatique devienne véritablement souverain, capable de soutenir ceux qui agissent non pas parce qu’ils se contentent de promettre, mais parce qu’ils démontrent leur capacité à livrer.