Robert Kakue (Nakupa) : « La fragmentation de la Nouvelle-Calédonie impose une approche spécifique pour garantir une mobilité fluide et inclusive »

Publié le 10 mars 2025
Robert Kakue (Nakupa)

En Nouvelle-Calédonie, les défis liés à la mobilité sont nombreux, entre fragmentation géographique et besoin d’un transport plus durable et inclusif. Robert Kakue, Directeur adjoint de Tilt et lauréat de la 1ère édition du palmarès Choiseul Outre-Mer propose des solutions pour optimiser les déplacements au sein de l’archipel. Il met en avant les stratégies nécessaires pour renforcer l’accessibilité des transports, réduire leur impact environnemental et soutenir l’économie locale à travers une meilleure connectivité. Dans cet échange pour Choiseul Magazine, il partage sa vision sur les actions prioritaires à mener, les innovations adaptées aux territoires insulaires et les opportunités pour structurer un système de mobilité plus efficace et résilient.

Quels sont, selon vous, les leviers prioritaires pour rendre les transports plus accessibles, durables et efficaces dans l’archipel ?

La fragmentation géographique de la Nouvelle-Calédonie impose une approche spécifique pour garantir une mobilité fluide et inclusive. Aujourd’hui, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour améliorer les transports :

  • Développer des solutions de transport multimodal et flexibles : il est essentiel de renforcer les connexions entre les différentes formes de transport (bus, liaisons maritimes, covoiturage, mobilités douces) pour assurer une continuité fluide des déplacements. Cela passe par la mise en place de pôles d’échange intermodaux, combinant transport terrestre et maritime, notamment vers les Îles Loyauté.
  • Adapter l’offre aux besoins réels des habitants : depuis la crise de mai 2024, une grande partie des usagers a constaté une détérioration des conditions de transport. Il devient essentiel de réajuster les tarifs, horaires et itinéraires des transports publics pour mieux répondre aux besoins des jeunes, des travailleurs en insertion et des habitants des zones rurales.
  • Encourager le covoiturage structuré : face aux limites du transport public, la mobilité partagée représente une alternative intéressante. Des plateformes locales pourraient être développées pour structurer l’offre de covoiturage, en s’inspirant des expériences comme celle de Mobicoop à l’Université de Nouvelle-Calédonie.

Ces solutions, combinées à une politique tarifaire plus inclusive et au développement des infrastructures pour les mobilités douces, permettront d’améliorer l’accessibilité et la durabilité des transports en Nouvelle-Calédonie.

Quelles sont les solutions les plus prometteuses pour améliorer la connectivité des territoires insulaires tout en réduisant leur empreinte environnementale ?

L’insularité de la Nouvelle-Calédonie impose des défis importants en matière de connectivité et de transition écologique. Toutefois, plusieurs pistes peuvent être explorées pour rendre les transports plus efficaces tout en limitant leur impact environnemental :

  • Modernisation des liaisons maritimes avec des motorisations moins polluantes : aujourd’hui, la connexion entre la Grande Terre et les îles repose essentiellement sur des navires gourmands en carburant. L’investissement dans des bateaux à motorisation plus propre et à faible consommation énergétique permettrait de réduire l’empreinte carbone du transport inter-îles.
  • Optimisation des vols inter-îles : le transport aérien reste indispensable pour les longues distances, mais son coût et son impact environnemental posent problème. L’amélioration des liaisons aériennes régionales via une meilleure mutualisation des vols et une gestion optimisée des itinéraires pourrait réduire la consommation de carburant et les coûts pour les passagers.
  • Utilisation du numérique pour limiter les déplacements inutiles : la dématérialisation des services administratifs, bancaires et éducatifs permettrait de réduire les trajets contraints. Par exemple, la digitalisation des démarches administratives permettrait aux habitants des îles de limiter leurs déplacements vers Nouméa pour des formalités essentielles.

L’objectif est de trouver un équilibre entre accessibilité et impact environnemental, en favorisant des solutions adaptées aux réalités insulaires et économiquement viables.

Voyez-vous des synergies possibles entre le développement des mobilités et la promotion des économies locales ?

Absolument, la mobilité et l’économie locale sont intrinsèquement liées, particulièrement dans un territoire où l’accès aux marchés et aux bassins d’emploi est un enjeu clé. Plusieurs synergies peuvent être mises en place pour soutenir les artisans, producteurs et entrepreneurs du Pacifique :

  • Faciliter l’acheminement des produits locaux vers les marchés et centres urbains : aujourd’hui, de nombreux producteurs rencontrent des difficultés logistiques pour distribuer leurs produits, notamment en raison du coût élevé du transport. Des initiatives comme Stop Ô Pertes, qui travaille sur l’optimisation de la logistique pour limiter le gaspillage alimentaire et améliorer la distribution des produits agricoles, démontrent qu’un réseau de fret solidaire et mutualisé peut contribuer à dynamiser l’économie locale.
  • Encourager la mobilité des travailleurs et entrepreneurs locaux : de nombreux jeunes et micro-entrepreneurs souhaitent développer leur activité artisanale ou agricole mais sont freinés par un manque de solutions de transport adaptées. Un soutien à la mobilité des entrepreneurs, via des aides au permis de conduire ou des systèmes de location de véhicules à tarif solidaire, pourrait faciliter leur insertion économique et renforcer les circuits courts.
  • Créer des circuits touristiques valorisant les savoir-faire locaux : le développement du tourisme durable offre une opportunité unique pour les artisans et producteurs. En intégrant les transports aux circuits économiques locaux (ex : transport partagé vers les marchés, vanilleraies, fermes ou fêtes et évènementiels en tribu), il est possible de booster la consommation locale tout en limitant l’impact écologique des flux touristiques.

En structurant la mobilité comme un levier de développement économique, il devient possible de renforcer la souveraineté économique des territoires, tout en valorisant les ressources et savoir-faire locaux.


Cet entretien a été réalisé dans le prolongement de 1ère édition du palmarès Choiseul Outre-Mer, à retrouver en intégralité sur le site de Choiseul France.