Notre République, ses institutions et son administration paraissent ne plus être une réponse adéquate aux enjeux actuels et à venir de notre monde, au même titre que le bouleversement du paysage partisan suscite une remise en question de l’exercice du pouvoir politique et de ses institutions pour assurer un horizon gouvernable dans l’intérêt exclusif de la nation.
Le vrai courage politique républicain ne serait-il pas d’ériger ce sujet en priorité de réflexion et d’action absolue ? Ne doit-on pas rebâtir un socle structurel démocratique républicain au service d’une nouvelle ère de progrès sociétal ? Les fondations de l’action politique actuelle reposent sur la promulgation de la Constitution de la 5ᵉ République en 1958. Soixante ans plus tard, c’est bien un nouveau monde qui se présente à nous.
Sociologiquement, le paysage français des années 2020 n’est plus celui des années 1950. À l’unité sociale nationale au sortir de la guerre, au modèle familial traditionaliste et patriarcal uniformisé, aux prémices du baby-boom, au sortir de la domination démographique paysanne au profit de la classe industrielle, à la genèse d’une nouvelle ère de progrès social dont le développement économique fut l’objet premier du politique, à l’entrée dans la cour des nations les plus développées dans un monde à la géopolitique stabilisée par la domination américaine, à un paysage médiatique hyper concentré, se succède une fragmentation sociale et partisane nourrie de la démultiplication du paysage médiatique, une société tertiarisée, un modèle familial déstructuré et polyforme, les prémices du papy-boom, une diversité sociale accrue par un écueil d’intégration, un enjeu environnemental vital, une panne du progrès social, un contexte géopolitique turbulent que les institutions multinationales finissent par ne plus maîtriser.
Politiquement, le bipartisme et l’alternance républicaine qui auront été le carburant de la 5ᵉ République font face à un multipartisme hérité de la nouvelle donne sociologique elle-même favorisée par un nouveau paysage médiatique démultiplié et individualisé. S’ajoute à cette fragmentation la décision historique de ne plus pouvoir cumuler les mandats, brisant ainsi la chaîne de représentation des citoyens de la nation du plus petit échelon institutionnel, la mairie, jusqu’au sommet de l’État. Sans parler du déficit de vocation pour la chose publique que cela a provoqué et qui avait pour coutume de s’initier à partir du terrain, par proximité avec les concitoyens, créant ainsi un lien filial avec eux, entre eux et pour eux.
C’est dans ce contexte historique et dans la perspective d’une nouvelle ère de progrès sociétal que de nouveaux leviers démocratiques républicains doivent être activés : les 5 P.
Populariser
La déconnexion du politique à son peuple, son écosystème et ses territoires ne peut plus durer et l’ascenseur populaire doit être remis en marche par la révision de la loi sur le non-cumul des mandats, le déploiement de pôles ministériels dans toutes les régions de France et un exercice multi-local de l’action politique par des institutions régionales affiliées au pouvoir exécutif ou bien des préfets aux pouvoirs élargis sur les fondamentaux régaliens. Mais c’est aussi l’Europe qu’il faut populariser, en dédiabolisant l’Union européenne que les États subissent sans être réellement unis et en la rebaptisant les États-Unis d’Europe, pour concrétiser l’union d’états fondamentalement souverains.
Parlementer / Proportionner
Dans un paysage politique français multi-partisan accentué par l’éclatement médiatique durant le demi-siècle passé, l’injustice sociale trouve de nouvelles racines dans une déconnexion désormais incomprise entre le vote citoyen et sa traduction dans l’exercice du pouvoir. Si la mise en place de proportionnalité parlementaire semble désormais s’imposer, c’est aussi une nouvelle philosophie de travail parlementaire qui doit émaner au service exclusif de la nation. Celle-ci devra jongler entre une planification intangible sur le temps long au service d’une société durable et robuste, et la prise de décisions agiles sur un horizon de temps plus court.
Planifier
Si les dictatures ne peuvent être une solution désirable par le principe même de l’autocratie, il n’en reste pas moins qu’elles s’érigent aujourd’hui en bâtisseurs de sociétés sur le temps long. Leur secret réside entre autres dans celui de la France du Général de Gaulle, à la genèse des trente glorieuses : la planification.
Il serait grand temps que le théâtre politique partisan cède la place à un programme de planification régalien sur le temps long qu’aucune sensibilité à la tête du pays ne puisse remettre en question sur un cycle quinquennal aussi court et absurde pour bâtir des sociétés.
Ainsi, nourrir, loger, instruire, développer sans dévaster, soigner et défendre devraient faire l’objet d’une planification multi partisane portée par une chambre « indépendante » inscrite dans le temps long. Une sorte de « colonne vertébrale » à laquelle s’ajouterait une gestion partisane sur le temps court à chaque renouvellement quinquennal, laissant toute la liberté à l’équilibre des sensibilités choisies par les compatriotes dans la création, le développement et l’adaptation d’autres actions politiques intérieures et extérieures.
Piloter
C’est bien le sujet du fonctionnement de l’État avec une dépense publique inefficace qui est désormais sur la table et sans l’exemplarité étatique à la bonne gestion des ressources du pays, c’est la faillite assurée. L’État dépense aujourd’hui l’argent qu’il ne détient pas. Ce qui pouvait s’apparenter à de la bienfaisance pour notre entreprise collective devient un véritable boulet que seule une simplification et réorganisation massive du système administratif et bureaucratique de l’État peut résorber.
Rebâtir un socle structurel démocratique républicain au service d’une nouvelle ère de progrès sociétal est désormais vital, au-delà de toute logique partisane. Aux destructeurs petits ou grands feux de la République, il serait grand temps de laisser place aux architectes et bâtisseurs d’un renouveau démocratique.