L’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN), inscrit dans la loi « Climat et résilience » d’août 2021, fixe un cap ambitieux et redéfinit notre façon de penser l’aménagement urbain. Il soulève deux questions en une : comment limiter la consommation d’espaces naturels, sans pour autant compromettre le développement économique des territoires ? La reconversion des friches offre des solutions concrètes en ce sens.
Chaque année, 20 à 30 000 hectares d’espaces naturels sont artificialisés en France sous la pression des activités humaines. Il en résulte un phénomène d’étalement des villes : les aires urbaines couvrent désormais près du quart du territoire national, contre 7 % en 1936.
Cette artificialisation n’est pas sans conséquence sur l’environnement. Elle est d’abord un facteur d’accélération du réchauffement climatique, puisqu’un sol artificialisé n’est plus en mesure d’absorber le CO2 présent dans l’atmosphère. Elle est également synonyme de perte de biodiversité et de baisse du nombre de terres agricoles, qui sont pourtant une condition essentielle à la souveraineté alimentaire de la France.
Le ZAN, un tournant motivé par l’urgence environnementale
Dans ce contexte, l’ambition du ZAN est de réduire de moitié le rythme d’artificialisation en France d’ici 2031, pour viser un solde « net » proche de zéro en 2050. Autrement dit, à cette date, il ne sera possible d’artificialiser un terrain qu’à la condition d’en renaturer un autre en compensation. Selon le Cerema, 20 276 hectares ont été consommés en 2022 : d’importants efforts doivent donc encore être déployés pour parvenir à un tel objectif.
Le ZAN peut être perçu négativement, comme étant une limitation très stricte des projets d’aménagement. Mais il peut aussi représenter une formidable opportunité de repenser nos usages urbains et périurbains. Cela commence par la reconversion des friches industrielles, parfois situées en plein cœur de ville. La revitalisation de ces zones abandonnées est une chance pour poursuivre les dynamiques locales de développement, tout en limitant les impacts environnementaux.
Le potentiel sous-estimé des friches industrielles
En 2020, la disponibilité en friches industrielles sur le territoire national a été estimée entre 90 et 150 000 hectares. Ce recensement reste approximatif, tant il est difficile d’identifier avec précision toutes les friches disponibles en France. L’amélioration de la connaissance du potentiel réel de reconversion des friches industrielles est un enjeu de premier plan. Les collectivités doivent pouvoir avoir une vue précise du foncier reconvertible dont elles disposent. Or, plus de 6 intercommunalités sur 10 n’ont pas à ce jour d’observatoire de leur foncier économique.
Deux projets d’inventaires nationaux ont cherché à combler ce manque, à savoir France Foncier+ et Cartofriches. Lancé en 2024, France Foncier+ référence 600 sites économiques à destination des collectivités et des entreprises. Initié pour sa part dès 2020, Cartofriches rassemble près de 11 000 friches identifiées partout en France. Certaines régions sont davantage concernées que d’autres. C’est le cas de la Normandie, de la région Grand Est et de la Nouvelle-Aquitaine, qui comptent chacune 1 800 friches recensées.
Un défi pour nos entreprises françaises
L’accumulation de telles friches est le reflet de plusieurs décennies de désindustrialisation. Dans un contexte économique fragile, la revitalisation des friches industrielles peut être un important relais de croissance pour le secteur français des travaux publics. La filière a pu compter ces dernières années sur le volontarisme de l’action publique, illustré par la mise en œuvre du « fonds friche ». Celui-ci a été abondé à hauteur d’un total de 750 millions d’euros en 2021 et 2022.
Si le dispositif a depuis été pérennisé sous la forme d’un « fonds vert », il a fait l’objet d’importantes coupes budgétaires en février de cette année. Il est à espérer que le volontarisme affiché par le passé reprenne toute sa mesure. Le succès de nombreuses PME et ETI françaises des travaux publics en dépend. Préserver le dynamisme de ce tissu d’entreprises est essentiel, pour continuer à concevoir de nouveaux modèles d’aménagement à la fois durables et vertueux. L’urgence est de répondre simultanément au défi environnemental et aux préoccupations socioéconomiques légitimes des territoires.