Grâce à des innovations majeures dans l’exploitation des données de santé, les healthtechs contribuent à moderniser notre système de soins. L’intelligence artificielle est ainsi utilisée pour extraire et consolider les informations médicales contenues dans les documents, optimisant leur partage et leur réutilisation par les professionnels de santé. Une approche qui a déjà fait ses preuves et sur laquelle s’appuie Lifen, plateforme de coordination médicale créée en 2015. Accompagnant plus de 800 établissements de santé, elle s’ouvre aujourd’hui à de nouveaux partenariats dans la recherche clinique pour étendre ses solutions à de nouveaux volets thérapeutiques. L’occasion de revenir sur sa raison d’être avec son Co-fondateur et Directeur général, Alexandre Huckert, lauréat du palmarès Choiseul Les 40 qui incarnent l’innovation en santé.
En quoi consiste la plateforme Lifen ?
Lifen est une entreprise spécialisée dans l’accès, la structuration et le partage sécurisé de la donnée de santé. Nous l’avons fondée en 2015 avec mon associé Franck Le Ouay, convaincus que la technologie peut révolutionner un système de santé en quête d’efficacité et de modernisation. Nous avons dédié ces dix dernières années à mettre l’intelligence des données au service des soignants. Aujourd’hui, notre suite de solutions reposant sur une intelligence artificielle de pointe accompagne plus de 800 hôpitaux et 20 000 professionnels de santé libéraux à alléger leur charge administrative, personnaliser les soins et accélérer la recherche clinique.
La structuration des données grâce à l’IA est au cœur de votre activité. Pour autant, ce processus reste largement sous-utilisé dans les établissements de santé. Comment l’expliquez-vous ?
Dans les parcours de soins, on estime que 80% des données médicales des patients sont contenues dans les documents médicaux, qui circulent à travers les établissements de santé. Ces données sont produites dans le cadre du soin et leur accessibilité par les professionnels de santé à toutes les étapes de la prise en charge des patients est cruciale. Pour répondre à cet enjeu, Lifen a mis au point des solutions pour alléger la charge administrative, personnaliser les soins et accélérer la recherche clinique. D’abord en permettant le partage de documents de l’établissement de santé vers la ville (c’est Lifen Documents), ensuite au sein même de l’hôpital en mettant à jour les dossiers patients (c’est Lifen Intégration), et enfin pour des réutilisations dédiées à la recherche clinique (c’est Lifen DataLab).
L’intelligence artificielle est effectivement au coeur de notre activité car les données de santé sont trop souvent “en captivité” : elles se retrouvent enfermées entre les lignes de millions de comptes-rendus médicaux, alors qu’une immense partie de leur valeur réside dans leur transposition en bases de données, que ce soit pour le soin ou la recherche. Extraire ces données médicales de leurs documents d’origine est un travail manuel, chronophage, sujet à l’erreur, donc extrêmement coûteux et inefficace. Lifen a donc capitalisé sur les dernières technologies de traitement naturel du langage (TAL, ou natural language processing – NLP en anglais) pour développer un outil d’intelligence artificielle permettant d’extraire et de structurer ces données de santé depuis les documents qui les contiennent. Cette IA simplifie donc grandement le partage des données dans le cadre des parcours de soins en permettant à chaque professionnel de santé d’avoir les bonnes informations au bon endroit et au bon moment, pour prendre les bonnes décisions.
Bien que de nombreux établissements de santé soient conscients du potentiel de ces technologies, leur adoption à grande échelle reste un défi. Cela s’explique notamment par la complexité de l’intégration de nouvelles solutions dans des systèmes existants, les ressources limitées des équipes informatiques hospitalières, et la nécessité d’assurer une conformité stricte avec les réglementations sur la protection des données de santé, qui sont particulièrement sensibles. De plus, la transformation numérique représente un changement culturel important qui nécessite du temps, de l’accompagnement pour être pleinement adopté par tous les acteurs du système de santé. C’est une métamorphose dont nous sommes fiers de faire partie.
Fin 2023, vous avez noué un partenariat avec le centre Gustave Roussy afin de faciliter la recherche en oncologie. En quoi consiste-t-il ?
Ce partenariat stratégique entre Lifen et Gustave Roussy est unique en son genre : il pose les premières pierres d’une nouvelle approche en recherche clinique, qui consiste à automatiser grâce à l’IA, la constitution de bases de données dédiées à des projets de recherche sur des pathologies précises, que l’on appelle des cohortes. Cette approche a le potentiel de produire des bases de données massives, de haute qualité et mises à jour en continu, et donc à des projets de recherche beaucoup plus ambitieux de voir le jour.
Concrètement, notre partenariat avec Gustave Roussy a donné naissance au produit Lifen DataLab et à la cohorte multicentrique LUCC, visant à caractériser les patients atteints de cancer du poumon. Cette cohorte s’est consolidée au point de structurer en moins de neuf mois les données de plus de 3000 patients issus de la mobilisation exceptionnelle de 17 établissements de santé, dont depuis peu le groupe Ramsay Santé. Ces avancées illustrent déjà, à ce stade, la puissance de l’IA pour créer ces immenses bases de données structurées. Lifen DataLab est par ailleurs le socle de plusieurs autres projets multicentriques comme le projet HARPE porté par le CHU de Grenoble, visant à créer un registre dédié aux patients diagnostiqués d’une maladie rare nommée l’angioœdème héréditaire.
Aujourd’hui Lifen développe DataLab avec le soutien de France 2030, un programme d’investissement gouvernemental visant notamment à faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé. Lifen vise donc à étendre son expertise à de nouvelles aires thérapeutiques, favoriser la création rapide de cohortes multicentriques et ainsi continuer à accompagner les établissements de santé en matière de recherche et d’innovation.
Cet entretien a été réalisé dans le prolongement du palmarès Choiseul Les 40 qui incarnent l’innovation en santé, à retrouver en intégralité sur le site de Choiseul France.