Clément Ray (Innovafeed) : « Le Nord-Est est le 1er gisement européen de co-produits agro-industriels »

Comment relever les défis alimentaires mondiaux tout en préservant l’environnement ? Innovafeed, fondée en 2016, propose une réponse innovante à travers la production d’ingrédients durables à base d’insectes pour l’alimentation animale et végétale. Leader mondial dans ce domaine, l’entreprise est installée à Nesle, dans la Somme, une région des Hauts-de-France qui soutient son expansion avec des sites de production en pleine croissance. Avec un objectif de 100 000 tonnes de production annuelle d’ici 2025, Innovafeed allie technologie de pointe et ancrage territorial pour répondre aux besoins alimentaires globaux tout en minimisant son impact écologique. Focus sur son modèle et ses ambitions avec Clément Ray, son Président et co-fondateur, lauréat Choiseul Hauts-de-France 2024.

Pourquoi avoir choisi les Hauts-de-France pour implanter la plus grande ferme d’insectes au monde ?

Tout d’abord, le Nord-Est de la France est le premier gisement européen de co-produits agro industriels. Cela rend ce territoire particulièrement attractif pour développer des modèles innovants d’économie circulaire. En étant situés au cœur de cette région, nous avons pu concrétiser notre modèle unique de symbiose industrielle, une approche de production en économie circulaire avec nos voisins industriels.

Notre modèle unique réduit notre impact environnemental de 80 % (par rapport à des modèles sans symbiose industrielle), en parallèle il réduit l’impact environnemental de nos voisins en leur proposant des voies de valorisation en boucle courte : environ 120 GWh par an, ce qui représente la consommation énergétique annuelle de plus de 10 000 foyers.

Notre modèle renforce ainsi la durabilité et l’efficacité de cette synergie industrielle.

L’appui indispensable des acteurs publics locaux, régionaux et départementaux ont été décisifs dans le développement du projet d’Innovafeed. Depuis le lancement de notre site pilote à Gouzeaucourt en 2017 jusqu’à notre site industriel de Nesle, opérationnel depuis 2021, le soutien de la Région, la communauté de communes de l’Est de la Somme, ou encore le département a été crucial pour mener à bien notre expansion, notamment avec l’ouverture de notre troisième phase à Nesle en juillet 2024, portant notre site à 55 000 m² et faisant de celui-ci la plus grande ferme d’insectes au monde.

Le partage d’une vision, la compréhension de l’importance d’une industrie capable de concilier performance économique et responsabilité écologique a été un facteur clé de succès. C’est cette combinaison entre innovation, ancrage local et engagement pour une économie durable qui fait des Hauts-de-France un terreau idéal pour développer un projet d’une telle envergure.

Pour conclure je dirai que nous sommes fiers de faire partie de cet écosystème en créant des emplois locaux et de pouvoir incarner la réindustrialisation verte dans les Hauts de France.

Quelles sont vos principales priorités pour optimiser vos processus industriels ?

C’est une question essentielle car l’objectif d’Innovafeed est d’avoir un impact fort sur le système alimentaire et cela nécessite de développer une filière à grande échelle. La compétitivité de notre modèle est un prérequis pour cette échelle.

Pour atteindre cet objectif, nous concentrons nos efforts sur plusieurs axes clés.

Nous devons proposer une alternative viable à des produits comme la farine de poisson (fishmeal), dont l’impact environnemental est important en raison de la déplétion des ressources marines. Notre compétitivité repose sur un modèle bien pensé, structuré autour de trois piliers :

  • Circularité : Nous optimisons nos intrants, notamment l’énergie et les matières premières, pour réduire notre empreinte écologique tout en maintenant une efficacité opérationnelle élevée.
  • Échelle industrielle : L’industrialisation à grande échelle est essentielle pour pérenniser notre modèle économique tout en rendant nos solutions accessibles à un marché global.
  • Technologie et innovation : Nous exploitons la capacité exceptionnelle de conversion des insectes, en nous appuyant sur nos recherches en génétique, notre gestion des environnements de production et la collecte de données. Cela nous permet d’optimiser et d’accélérer le processus de transformation, en alliant technologie et biologie.

Ensuite, comme toute start-up industrielle, nous devons évoluer vers un modèle opérationnel stable et mature. Cette transformation demande une adaptation culturelle importante au sein de l’entreprise, avec une gestion progressive des différentes phases de développement : l’étape de laboratoire vise à confirmer la faisabilité technique, l’étape du pilote de démonstration à une échelle semi-industrielle et enfin l’étape de “tête de série” de démonstration à échelle industrielle. Cette dernière étape est une phase charnière de transition entre conception et maturité industrielle. Le succès d’Innovafeed sur Nesle est un ainsi un symbole très fort pour l’écosystème des start-up industrielles en France.

C’est pourquoi les améliorations réalisées jusqu’à présent, avec une augmentation de performance de l’ordre de 50% ces dernières années, valident notre approche. Nous considérons cependant que ce n’est que le début de l’aventure.

Après votre récente implantation aux États-Unis, comment envisagez-vous votre expansion internationale ?

L’ambition d’Innovafeed est de répondre aux défis mondiaux du système alimentaire. Ces enjeux ne sont pas uniquement européens, mais bien globaux, et notre solution s’inscrit dans cette vision d’impact international. En tant que leader mondial, nous aspirons à être une solution pertinente partout dans le monde.

Notre stratégie d’expansion repose sur plusieurs piliers :

1.      Déploiement de notre technologie à l’échelle mondiale

Après avoir validé notre technologie à Nesle, notre premier site industriel en France, nous avons pour objectif de déployer ce modèle réplicable, à l’international. Le modèle de notre site de Decatur aux États-Unis (Illinois), développé en partenariat avec ADM, en est un exemple concret. Nous prévoyons d’étendre cette approche à d’autres régions du monde, où nous avons déjà commencé à sécuriser de nouveaux sites, grâce à des partenariats stratégiques.

2.      Valorisation de déchets organiques en ingrédients à haute valeur ajoutée

L’un des principaux atouts de notre technologie est de pouvoir transformer des déchets en produits à forte valeur ajoutée tout en ayant une empreinte environnementale réduite. Cette approche s’aligne avec les besoins mondiaux de durabilité et d’efficacité des ressources.

3.      Partenariats locaux pour une adaptation rapide

Construire une filière industrielle d’envergure mondiale ne peut se faire seul. Nous nous appuyons sur des partenaires locaux et globaux qui nous permettent d’accélérer notre développement, de nous adapter aux différentes réglementations, et d’intégrer les chaînes de valeur spécifiques à chaque région. Cela nous permet de déployer notre modèle tout en restant flexible face aux particularités locales.

4.      Un soutien de partenaires de premier plan

L’envergure de notre projet est illustrée par le soutien de partenaires financiers et industriels de premier rang, tels que Temasek, Creadev, QIA, GIC, ADM, et Cargill. Ces collaborations renforcent notre capacité à déployer notre solution à l’échelle mondiale et à concrétiser notre vision d’impact global.