Une phrase taquine est souvent utilisée pour résumer la place de l’Europe dans la compétition technologique mondiale : les Etats-Unis ont les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), la Chine a les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), et l’Europe a le RGPD (règlement général sur la protection des données).
Dans un contexte mondial où cette compétition se fait toujours plus féroce, où la technologie cristallise des tensions géopolitiques (vente de TikTok aux Etats-Unis, guerres des puces entre la Chine et les USA) et où les innovations disruptives réorganisent les marchés à un rythme sans précédent, la récente intensification de la régulation des géants technologiques par la Commission européenne a marqué un tournant significatif et, ne nous trompons pas, tout à fait légitime et nécessaire.
Pointant du doigt les entreprises mentionnées, elle a en effet manifesté une volonté claire de mettre fin à des pratiques qui dominent depuis trop longtemps les marchés numériques afin de garantir un environnement concurrentiel équitable, et un espace numérique plus sûr pour les citoyens, contribuant à la souveraineté technologique de notre continent.
Néanmoins, nous sommes convaincus que cette souveraineté doit reposer également sur un second pilier, celui d’une offre technologique européenne qui n’est actuellement pas à la hauteur. L’Union européenne (UE) représente près de 25 % du PIB mondial mais seulement 10 % de la technologie mondiale émergente, selon plusieurs indicateurs de puissance pertinents pour ce secteur (levées de fonds, licornes, etc.).
Priorité à l’innovation
Avec les élections européennes de juin 2024 et la nomination d’une future Commission européenne, il existe une réelle opportunité pour mener une politique d’innovation technologique d’ampleur en Europe. Si l’UE a une longue expérience de politique industrielle en faveur des grands groupes établis, elle pêche encore en matière de soutien aux startups, qui sont pourtant les géants technologiques de demain.
Ce soutien se manifeste déjà avec des politiques de financement comme l’initiative Scale-up Europe, qui vise l’émergence de plus grands fonds européens de capital-risque, et le lancement de l’European Innovation Council qui soutient les startups de la deep tech. Cependant, sur le modèle de ce qui a été fait en France, une politique plus ambitieuse et holistique (aides financières, formation, commande publique, environnement administratif, etc.) doit être menée en faveur des startups européennes, au risque sinon d’une vassalisation technologique irrémédiable.