Le regard sur le continent africain, à l’appui d’un sombre tableau macroéconomique, a évolué depuis 2020 de manière négative du point de vue des acteurs économiques et financiers internationaux. Parallèlement, la réalité d’un point de vue microéconomique et local est beaucoup plus nuancée. Le défi de l’année 2024 est de mieux concilier ces deux approches, de s’ancrer dans le réel à l’appui d’actions concrètes et engagées.
Des fragilités économiques accentuées par les crises
Les économies du continent africain ont subi deux crises majeures depuis 2020 issues de la pandémie du COVID et du conflit en Ukraine. D’un point de vue macroéconomique, ces crises ont amplifié et accéléré les fragilités de plusieurs pays affectés par la crise pétrolière de 2014 et des conditions de financement parfois trop onéreuses au regard de leurs capacités d’absorption. Résultat : l’endettement public atteint des seuils qu’il n’avait plus connu depuis la fin des années 1990, le service de la dette s’est envolé, les recettes fiscales ont fondu et certains pays ont fait défaut à l’instar de la Zambie en 2020 et le Ghana en 2022. Les difficultés d’approvisionnement ont renchéri le prix des matières alimentaires et énergétiques nourrissant une forte inflation et une hausse des taux d’intérêts des banques centrales pour la combattre. En conséquence, les conditions de financement se sont considérablement durcies, à fortiori dans les économies frontières, notamment africaines. Le robinet du financement s’est tari et les pays africains ont quasiment disparu des financements obligataires internationaux, après une décennie de forte croissance cumulant plus de 150 milliards de dollars d’emprunt. Ces difficultés économiques se sont couplées avec une accentuation des crises politiques et sociales, en témoignent les coups d’Etat successifs au Niger et au Gabon en 2023.
Des acteurs dynamiques et tournés vers demain
Face à ce tableau macroéconomique plutôt sombre quoique très hétérogène – plusieurs pays restent très dynamiques d’un point de vue macroéconomique, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Maroc – l’Afrique du quotidien et des entreprises offre une perception beaucoup plus positive et dynamique. Ainsi, en 2022, les levées de fonds en capital-risque ont atteint 6,5 milliards de dollars et ont concerné 853 transactions, un volume en hausse de 21 %. Les innovations y sont quotidiennes, les entreprises se créent, le visage de certaines villes se métamorphose rapidement de Nairobi à Abidjan.
A la résilience des économies souvent mise en avant s’ajoute le dynamisme de nombreux entrepreneurs africains et internationaux engagés sur le continent. Le groupe hôtelier malien Azalai grossit, le conglomérat Axian dépasse à présent largement ses frontières malgaches, le premier groupe mauricien IBL s’est installé au Kenya, le groupe français des télécoms Telecel, après un succès à Bangui, investit l’Afrique de l’Ouest, etc.
Le défi de l’année 2024 est donc d’œuvrer pour le rapprochement de ces deux approches, à l’appui d’un courage et d’une audace forte des acteurs économiques et politiques.
Les intertitres sont de la rédaction. Cette tribune est à retrouver dans le deuxième numéro de Choiseul Magazine, disponible en kiosque depuis le 25 janvier 2024.