Vers l’abandon de la règle des 3% au niveau européen pendant la présidence française de l’UE ?
La France compte tirer profit de sa prochaine présidence au Conseil de l’UE prévue au premier semestre 2022. Accrue par la crise sanitaire, la dette et le déficit du pays ont atteint des niveaux records. La France souhaiterait donc réviser les règles budgétaires européennes qu’elle juge trop contraignantes et en mesure de ralentir la relance de l’économie du continent.
Fixé par le traité de Maastricht de 1992, le plafonnement de la dette et du déficit public à respectivement 60% et 3% du PIB est décrié de longue date dans notre pays comme dans d’autres capitales européennes. Si ce sont traditionnellement les partis les plus éloignés du pouvoir qui dénoncent une mesure européenne trop contraignante, c’est bien le gouvernement emmené par Emmanuel Macron qui souhaite faire réviser ces objectifs dans les prochains mois. Le but de la mesure était à l’origine de fixer des critères budgétaires strictes et communs à l’ensemble des Etats membres afin de permettre la mise en place de la monnaie unique, l’euro, au sein d’un paysage économique européen pluriel, mais elle est aujourd’hui vue par beaucoup comme un carcan dangereux pour la santé de l’économie européenne.
Les critiques à l’encontre de ces mesures ne viennent pas seulement du personnel politique. En effet, plusieurs économistes contestent la pertinence de ces règles. La multiplication des crises ayant obligé les Etats à réinjecter de l’argent public pour soutenir l’économie des pays, elles ont entraîné un accroissement important des déficits publics. L’orthodoxie économique européenne est ainsi pour certains devenue symbolique et dogmatique, éloignée de la réalité sociale des Etats membres. La crise du Covid en est l’illustration, avec une application suspendue pour ces mesures de Maastricht et ce, jusqu’à la fin 2022.
Une opposition franco-allemande sur le sujet ?
Le Président Emmanuel Macron évoquait dans un entretien au magazine The Economist que “Nous avons besoin de plus d’expansionnisme, de plus d’investissements”. Le Président espère ainsi profiter de la présidence française au Conseil de l’UE pour faire germer l’idée sensible qu’une autre voie au pacte de stabilité est possible. Mais la France ne peut marcher seule. En effet, les décisions doivent être soutenues par les autres Etats membres et notamment auprès du voisin allemand, peu enclin à faire évoluer ce point depuis le début du mandat de Angela Merkel. Les élections à l’automne 2021 en Allemagne offriront peut-être au président français un interlocuteur plus ouvert sur le sujet.
L’exécutif se prépare au débat, et c’est dans ce sens que Matignon a demandé au Conseil d’analyse économique (CAE) de réfléchir sur la question. Le 13 avril, dans une note, le Conseil suggère de renoncer aux règles du pacte de stabilité en renonçant à l’objectif de 3% de déficit et de remplacer le seuil des 60% de dette par un plafond différencié pour chaque Etats membre. Le Conseil ajoute que “le consensus intellectuel sur le sujet est que ces règles n’ont plus rien à voir avec le monde de Maastricht. En effet, avec une dette s’approchant des 120% du PIB, des taux négatifs, une quasi-disparition de l’inflation, la conjoncture n’a rien à voir avec celle du début des années 1990. La France souhaiterait adapter les règles selon l’évolution des taux de croissances et du niveau de dépense publique tout en conservant des objectifs clairs, afin d’éviter un scénario à la grecque et une déstabilisation de certaines économies du continent, plus fragiles et encore plus durement touchées par la crise sanitaire.