Repenser l’industrie du sport au service d’un futur durable – Fabien Paget
Fondateur de 17Sport, première entreprise d’impact dans le domaine du sport, Fabien Paget souhaite associer les notions de « performance économique » et d’« impact positif » au service du monde sportif. Alors que la crise actuelle nous pousse à trouver des solutions de résilience pérenne, comment faire du monde du sport une industrie au service d’un futur durable ?
Nous pensons que l’industrie du Sport est en retard, essentiellement centrée sur la recherche de profit et sur le divertissement/spectacle
- Vous avez fondé 17 Sport, la première entreprise d’impact dans le domaine du sport. Une manière de concilier sport, purpose et business, en accompagnant les dirigeants dans la transformation de leur modèle opérationnel et leur mode de management. Comment cette idée vous est-elle venue ? Y avait-il un besoin fort sur le marché, ou s’agissait-il davantage d’un pari sur l’avenir et sur les mutations des systèmes de valeur des marques, des consommateurs, des sportifs ?
Le monde change très vite et les crises sanitaires, sociales ou environnementales ne font qu’accélérer cette transformation profonde. Celle-ci est portée par une mutation des attentes des consommateurs, des collaborateurs, des fans qui exigent des organisations – des entreprises – qu’elles poursuivent un objectif au delà de la recherche de profit et qu’elles contribuent à améliorer la société et la planète. De multiples initiatives, telles que la Business Roundtable aux USA, la loi PACTE en France oui encore la décision de l’entreprise Danone de devenir la premiere ‘entreprise à mission’ du CAC 40 témoignent de cette évolution. Une entreprise est bien plus qu’une simple entité économique qui génère des richesses. Elle est au service de la société, à travers ses activités et se doit d’impliquer l’ensemble de ses parties prenantes dans la création d’une valeur commune et pérenne.
Le Sport n’est que le miroir de ce monde qui se transforme. Nous pensons que l’industrie du Sport est en retard, essentiellement centrée sur la recherche de profit et sur le divertissement/spectacle. Nous avons donc crée 17 Sport pour répondre à ce problème et accroitre la contribution du Sport au service d’un futur durable, en alignement avec les 17 Objectifs du Développement Durable (Agenda 2030 de l’ONU). À titre personnel, c’est le fruit d’années de réflexion, d’échanges, de réalisations et d’un chemin personnel tourné vers le besoin de se sentir aligné et utile.
- Vous avez récemment publié un ouvrage, avec votre associé intitulé ‘Legacy $port’. pouvez vous nous en dire davantage?
Effectivement, nous avons, avec mon associé Neill Duffy, co-écrit cet ouvrage Legacy $port en accord avec la mission qui nous anime au sein de 17 Sport, à savoir : éduquer, inspirer et conseiller les acteurs du Sport à repenser leurs investissements dans le sport afin d’associer croissance économique et impact social et environnemental positif. Cet avant tout un outil pédagogique qui vise à donner les clés aux professionnels de l’industrie de manière à mieux appréhender ces enjeux de transformation. La totalité des recettes est reversée à des organisations d’impact / ONG dans le domaine du sport. Pour plus d’informations, nous vous invitons à visiter notre site internet : wwww.legacysport.org
- En Janvier 2021 et pour la première fois en France, vous accueillerez un évènement majeur qui a déjà fait ses preuves aux États-Unis, Soul Purpose Sport. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet « accélérateur d’impact » tourné vers le monde sportif ?
Cet événement est un accélérateur d’impact qui va éduquer et permettre aux leaders d’intégrer la dimension ‘purpose’ dans leur propres activités professionnelles. Importé des États Unis, c’est la première fois que cet évènement arrive en France. Il allie des témoignages inspirants de leaders progressistes, des table rondes et des sessions de coaching individuel. Cet évènement aura lieu du 13 au 17 Janvier prochain.
- À bien des égards, le sport a suivi jusqu’ici la marche du monde – a fortiori celle du business. Comment pourrait-il se réinventer autour de ses valeurs fondamentales, tout en déployant certains modèles de développement économique d’une nouvelle nature, plus responsables et porteurs de sens ? En d’autres termes, comment concilier croissance économique et impact sociétal positif en incluant toutes les parties prenantes du sport ?
Le récent manifesto du forum de Davos est assez explicite sur le sujet. Ce dernier prône l’emergence d’un nouveau modèle ‘Stakeholder capitalism ’ qui inclue ’ensemble des parties prenantes de l’organisation. Nous voyons l’émergence croissante d’entreprises, d’organisations ‘purpose-driven’. La loi PACTE incite donc les entreprises à redéfinir leur propre raison d’être et à renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans leurs activités. Une statistique importante : 85% des entreprises ‘purpose’ ont généré une croissance économique au cours des 3 dernières années. A l’inverse, 42% des entreprises dont l’objectif ultime est la recherche de profit ont subit une baisse de leur croissance économique.
- Le sport est durement touché depuis la crise pandémique. Dans un tel contexte, à quel point avez-vous modifié votre offre de service ? Comment mettre en valeur la raison d’être et l’impact sociétal positif du sport quand les évènements s’arrêtent, que les relations se virtualisent, que la performance qui est au cœur de la vie des athlètes devient impossible ?
Les crises sanitaires, sociales et économiques sont des accélérateurs de cette révolution et ont accru la prise de conscience des entreprises.
Dans le domaine du sport, de plus en plus d’acteurs font évoluer leur proposition de valeur à l’égard des sponsors en y intégrant une dimension d’impact’.. Jusqu’alors, celle-ci était encore trop souvent dissociée des enjeux business. Un exemple pour illustrer cette transformation : L’UEFA à sollicité 17 Sport pour les aider à repenser leur proposition de valeur de leur programme commercial (pour le cycle 2021-2028) sous le prisme du ‘purpose’ de manière à rester en phase avec les attentes croissantes de leurs partenaires commerciaux qui exigent des retombées financières, sociales et environnementales positives au travers de leurs investissements.
- Parlons du digital. Pour beaucoup, il a été la bouée de secours lors de la crise. A cet égard, quelles tendances avez-vous remarqué dans le monde du sport et son environnement immédiat ?
La pandémie – comme toute crise- a démontré l’importance pour les organisations de savoir se transformer pour rester compétitives et pertinentes. Les entreprises, les clubs qui ont entrepris une transformation digitale avant la pandémie ont été plus résiliantes face à la crise. Plus généralement, les acteurs de l’industrie investissent de plus en plus dans le domaine du digital pour répondre aux nouvelles habitudes de consommation des fans (mobile, réseaux sociaux…). L’expérience ‘fan’ se doit d’être sans couture et personnalisée de manière à renforcer cette relation.
- Votre agence est implantée à San Francisco et à Paris. Quelle différence de mentalité, d’attitude vis-à-vis du sport, du positive impact et de leur relation percevez-vous entre ces deux villes, et entre la France et les Etats-Unis en général ?
En France, grâce au travail des pouvoirs publics, du secteur privé, le Sport occupe une place de plus en plus importante au coeur de notre société. Le poids de l’industrie du sport dans l’économie est prépondérant et le sport génère désormais plus de 77 milliards de chiffres d’affaires (plus de 2 % du PIB français). D’ici 2024, La France accueillera pas moins de 10 grands événements sportifs dont la Coupe de Monde de Rugby en 2023 et les Jeux Olympiques et paralympiques en 2024. C’est une chance exceptionnelle. Selon moi, nous n’avons absolument rien à envier au modèle Américain même si certaines différences existent, davantage sur le plan culturel.
Aux États-Unis, la culture du sport est peut être ancrée plus profondément qu’en Europe comme en témoignent les prises de position de plus en plus fréquentes des athlètes sur des sujets politiques ou sociétaux (Ex : Certaines équipes de NBA ont refusé, en Juillet dernier, de jouer pour exprimer leur mécontentement et leur révolte à l’égard des violences raciales) . En France, notre culture nous pousse encore à vouloir réduire les athlètes à la simple dimension de performance sportive. Pour autant, ceci évolue comme en témoigne la décision d’Antoine Griezman de mettre un terme à son partenariat avec Huawei invoquant des « forts soupçons » sur la participation du géant des télécoms chinois à la surveillance de la minorité musulmane ouïghoure.