Autrefois qualifié de précaire, le freelancing a le vent en poupe. En 2019, on comptabilisait plus de 930 000 freelances en France, soit une progression de 145% en 10 ans. Leader sur le marché français du freelancing, Malt semble personnifier cette transformation du monde du travail. Nous nous sommes entretenus avec Alexandre Fretti, Directeur général de la plateforme, sur sa vision de ces nouveaux modes d’organisation du travail et l’avenir des travailleurs indépendants en cette période d’instabilité économique.
- En France, la COVID-19 continue de menacer l’activité économique et de compliquer la vie sociale. Quelles tendances avez-vous remarqué sur l’utilisation de Malt pendant cette période et quelles analyses en tirez-vous ?
La crise a validé notre intuition selon laquelle les entreprises doivent repenser leurs usages et accélérer leur mue digitale. Malt a un rôle très important à jouer pendant cette période, et ce à deux égards : nous sommes présents auprès de nos 30 000 entreprises clientes pour nous assurer qu’elles trouvent chez nous les ressources et les talents indépendants pour continuer à accompagner leurs projets dans un contexte de restriction, voire de gel des embauches, et nous renforçons nos liens avec nos 200 000 talents indépendants en leur permettant de s’impliquer dans des missions à forte valeur ajoutée.
Pour la première fois, en France, les travailleurs indépendants ont été reconnus comme une réelle force de travail. Il faut dire qu’on compte aujourd’hui plus d’un million de freelances en France et que ce chiffre a augmenté de 92% sur les dix dernières années. En pleine crise, nous avons senti un réel engouement pour notre solution capable de faire correspondre le besoin d’une entreprise avec le talent idéal. Nos 200 collaborateurs en France, en Allemagne et en Espagne ont été sur le pont et notre activité n’a pas faibli puisque nous devrions réaliser 60% de croissance cette année.
- Les places de marché offrant une mise en contact avec des prestataires et des services se sont multipliées ces dernières années. Quel est selon vous votre avantage stratégique ? Votre technologie, votre sourcing, votre communauté de freelances, la taille de vos clients ?
Le marché de la mise en relation entre entreprises et indépendants est évalué à environ 300 milliards d’euros en Europe mais nous sommes les seuls à proposer une solution technologique de pointe capable de faire correspondre le besoin d’une entreprise au talent indépendant idéal en moins de 24h. Nous sommes pionniers en tant que marketplace B2B “ouverte” où se rencontrent des talents qui offrent leurs services, et des entreprises qui viennent chercher temporairement des compétences. Malt a par ailleurs toujours souhaité faire de l’expérience client un de ses principaux différenciateurs. Le fait d’offrir à tous nos utilisateurs un parcours client aussi simple et efficace que toutes les grandes plateformes BtoC, e-commerce, voyages, location et autres, est critique pour nous. C’est cette technologie unique, liée à une équipe humaine capable de faire croître et d’animer notre communauté de 200 000 consultants indépendants qui nous permet d’être leader en France aujourd’hui et d’avoir des profils extrêmement compétents et qualifiés sur toutes les verticales d’une entreprise traditionnelle (IT, finance, marketing, commercial, achats, juridique, RH, …)
- Le freelance est souvent associé, en France du moins, au « travail précaire », sans réelle stabilité et très vulnérable aux variations de conjoncture. Il est souvent vu comme le choix d’une vie professionnelle plus libre, mais plus compliquée. Vous portez, en soutien à votre communauté, une vision positive du freelancing. Quelles sont vos pistes pour soutenir les freelances et construire un cadre qui leur assure plus de reconnaissance, de stabilité financière et contractuelle, et in fine une meilleure place sur le marché du travail ?
Il est nécessaire de bien distinguer deux types de travailleurs indépendants : les indépendants de la gig economy et les indépendants de la talent economy qui sont des personnes diplômées et qualifiées qui ont fait le choix de travailler à leur compte. Chez Malt, nos freelances appartiennent à la seconde catégorie. Nous avons administré une grande étude avec le Boston Consulting Group à la sortie du premier confinement, 84% de nos talents indépendants ont déclaré ne pas vouloir se détourner du modèle du freelancing et ne pas vouloir pas retourner au salariat. Ils étaient 73% en 2018. Pour continuer à accompagner notre communauté et faire en sorte qu’elle garde cet état d’esprit nous avons, en plus de nos services de contractualisation, obtenu des tarifs préférentiels avec de nombreux partenaires pour leur offrir une vie professionnelle sereine : mutuelle avec Alan, assurance prévoyance avec Axa, compte professionnel chez Qonto. Nos freelances ne sont pas précarisés et ces outils leur permettent d’obtenir un arsenal assurantiel et bancaire pour avoir la même protection qu’un salarié. Pour aller encore plus loin, nous avons approché quelques banques pour permettre à notre communauté un accès simplifié à l’immobilier. L’objectif sera de modifier le logiciel bancaire pour voir dans le freelance une opportunité et non un facteur de risque.
- Plus globalement, comment appréhendez-vous la participation de Malt à la lutte contre le chômage et pour l’emploi ?
Il est évident que l’essor du consulting freelance participe à la lutte contre le chômage. Tout d’abord, on parle souvent de « start-up nation » mais notre marché promeut dans son acception la plus large une “entrepreneur nation”. Un indépendant est un chef d’entreprise qui doit avant tout compter sur lui-même pour réussir et qui participe proactivement au développement économique. Il n’y a pas de plus bel emploi que celui que l’on crée soi-même ! Notre rôle chez Malt, c’est aussi de les accompagner dans ce chemin vers l’entreprenariat. Nous avons mis en place, par exemple, les Malt Academies. Ce sont des formations en ligne dispensées par des professionnels qui permettent aux freelances de notre communauté de pouvoir apprendre et mettre à jour leurs connaissances en continu. C’était une demande très forte de leur part, lors de notre étude réalisée avec le BCG nous avons appris que les indépendants consacrent 4 à 5h par semaine à la formation. Enfin chez Malt, nous avons déjà créé 200 emplois et nous comptons tripler les effectifs d’ici 2024.
- Vous avez fait du « new work order » votre devise. Comment voyez-vous l’avenir du marché du travail en France, et dans le monde, à horizon 2050 ?
Les freelances sont devenus, en 10 ans, des acteurs clés de la transformation digitale des entreprises. La question n’est plus de savoir s’il faut composer avec eux mais comment. Jeff Weiner, CEO de LinkedIn disait en 2017 déjà : « We believe that independent workers is an irreversible secular trend that will shape the future of work ». Le new work order c’est un monde dans lequel les entreprises et les talents auront le pouvoir de choisir avec qui et comment travailler. À l’horizon 2050, je crois à un modèle hybride. Le salariat sera toujours la clé de voûte pour incarner la culture d’entreprise, l’engagement dans la durée ainsi que la connaissance profonde de son organisation. Pour tous les autres besoins, la fragmentation du marché du travail associée à la quête d’expertise, de performance et de flexibilité donnera la part belle aux talents indépendants. Dans le monde matériel, nous sommes passés de l’économie de la possession à l’économie de l’usage. Le monde des Services va vivre la même (r)évolution en passant du monde tout salariat à un monde « à la demande ». Les organisations les plus performantes seront celles qui auront su apprivoiser ce nouveau paradigme.
- Quels sont vos objectifs de développement européen et mondial – et la stratégie pour y parvenir ?
Notre objectif est de devenir un géant européen de la tech et d’atteindre le milliard d’euros de volume d’affaires d’ici 2024. Pour accompagner cette hyper croissance, nous continuons à innover technologiquement en développant, par exemple, des solutions d’intelligence artificielle capables de faire monter en puissance la recherche des talents par les entreprises. Nous concentrons nos efforts d’acquisition vers les grands comptes en continuant d’évangéliser sur le recours aux travailleurs indépendants dans des problématiques de management de transition. Demain, nous souhaitons que 100% des entreprises du CAC 40 fassent appel à Malt lorsqu’elles cherchent à intégrer un nouveau talent, que ce soit pour recruter un Directeur Marketing de transition, pour chercher une expertise pénurique ou encore pour remplacer un congé maternité. Le marché des « professional services » est en pleine mutation avec la percée du consulting freelance. Demain il est évident que les entreprises auront besoin d’un Amazon des services de prestations intellectuelles ; cette marketplace existe déjà et elle s’appelle Malt !