La présente tribune qui m’est accordée est la bienvenue. Je crois qu’il est utile de parler aux acteurs de la sphère économique qui connaissent mieux que quiconque l’importance d’un climat de confiance réciproque et de long terme pour saisir toute opportunité, autrement dit pour parier sur l’avenir.
Parier sur la jeunesse, c’est investir sur un avenir où nous ne pourrions pas reproduire indéfiniment les mêmes erreurs, où nous pourrions les corriger et progresser collectivement. C’est le sens de mon engagement politique en tant que députée de la Nation, et c’est aussi le sens de mon action en tant que Présidente du groupe d’amitié France-Russie de l’Assemblée nationale.
Les difficultés sont nombreuses, nous le savons. La géostratégie et nos cultures politiques singulières – notamment sur les droits de l’homme et la démocratie – expliquent bien évidemment les divergences de point de vue que nous ne pouvons pas sous-estimer. Les relations interparlementaires, au sein de la Grande commission annuelle, se sont arrêtées en 2013, et les positions diplomatiques se sont raidies au sein des instances de dialogue supranationales.
« La jeunesse représente l’avenir de nos relations et si nous devons parier sur elle, nous devons surtout lui donner tous les moyens de se réaliser. C’est forte de cette conviction que j’appelle à la création d’un Office franco-russe pour la jeunesse. »
Aux côtés du Président de la République, je souhaite pouvoir contribuer à changer cela. La Grande commission interparlementaire se tiendra de nouveau à Moscou cette année et nous multiplions les contacts avec nos homologues russes afin de donner de l’épaisseur à notre diplomatie parlementaire. Surtout, les Présidents Poutine et Macron ont annoncé la création du Dialogue de Trianon en 2017 lors de la venue de Vladimir Poutine à Versailles ; une instance d’échanges et de co-construction au bénéfice de nos deux sociétés civiles. Car oui, le dialogue est le prérequis de la connaissance et de la compréhension de l’autre, et car la compréhension nous empêche de nourrir des suspicions et des peurs.
J’attache une grande importance à ce que l’on puisse trouver les voies et moyens du meilleur dialogue possible entre nos deux sociétés civiles, ce qui ne signifie pas rogner sur l’exigence de nos principes.
La jeunesse représente l’avenir de nos relations, et si nous devons parier sur elle, nous devons surtout lui donner tous les moyens de se réaliser. C’est forte de cette conviction que j’appelle à la création d’un Office franco-russe pour la jeunesse. Les champs de coopération sont vastes, qu’ils soient d’ordre culturel, scientifique, technologique et économique. Les fondements sur lesquels pourraient reposer ce projet sont aussi solides. Je souhaite saluer l’engagement particulier pour ce projet – et ce depuis plusieurs années – de l’Union nationale France-Russie-CEI-Peuples russophones, une association d’amitié composée de 35 associations locales ou départementales. Comme elles, c’est plus de 6 millions de bénévoles et plus de 400 000 associations qui sont tournées vers la jeunesse, l’éducation et le partage. De plus, cet Office pourrait s’appuyer non seulement sur les programmes de coopérations universitaires existants, mais aussi sur la richesse des initiatives d’étudiants des Grandes Ecoles et des Universités que nous pouvons rencontrer dans le cadre des activités du groupe d’amitié.
Ainsi, nous pourrions fixer trois principaux objectifs à l’Office franco-russe pour la jeunesse. Il contribuerait tout d’abord à la découverte de la culture du partenaire, encouragerait les apprentissages interculturels, renforcerait les projets communs d’engagement citoyen et inciterait les jeunes à apprendre la langue du pays partenaire. Il œuvrerait ensuite au rapprochement des jeunesses française et russe par des programmes de mobilité étudiante et professionnelle et par des formations diplômantes, des stages ou des délégations thématiques. Enfin, il pourrait être conçu comme un pôle de soutien et de conseil aux jeunes diplômés voulant s’installer dans le pays partenaire afin d’y effectuer une partie d’une carrière professionnelle ou pour entreprendre.
Nous devons nous préoccuper de l’état de l’enseignement du français en Russie, et du russe en France. Si le maillage associatif territorial est encore fort, il tend à refluer et à ne reposer que sur la bonne volonté et les convictions des bénévoles œuvrant auprès des jeunes. Or, quoi de plus fondamental que l’apprentissage de la langue, afin d’acquérir la culture et le savoir-être du pays avec lequel on souhaite interagir ou au sein duquel on souhaite s’établir ?
Parier sur l’avenir de notre relation avec la Russie, c’est aussi détenir cette même exigence vis-à-vis de notre partenaire traditionnel que sont les États-Unis. L’extraterritorialité du droit américain représente pour nos entreprises un réel frein pour leurs exportations, leurs investissements et pour trouver leurs sources de financement. La France, au sein de l’Union européenne, se doit de porter une voix singulière et forte. Nous pouvons affirmer qu’il ne nous semble pas acceptable que les mesures prises sur ce fondement contournent les instances supranationales et les outils de négociation que nous offre le multilatéralisme.
Pour construire les fondements d’une coopération exigeante et porteuse d’avenir, pour élaborer une position souveraine au sein de l’Union européenne permettant à nos entreprises de commercer et d’échanger librement avec la Russie, j’en appelle à toutes les volontés qui partagent ces objectifs et qui veulent se saisir du présent pour moins dépendre de l’avenir.